Mardi 14 mai, la Commission des affaires culturelles et de l'éducation a examiné la proposition de loi portant réforme de l'audiovisuel public. Ce texte soutenu par le Gouvernement, sa majorité et la droite prévoit une fusion de l'audiovisuel public au 1er janvier 2026.
Alors que l'audiovisuel public va bien, innove et trouve son public, cette réforme est dangereuse tant pour l'indépendance de l'information que pour la qualité de l'information. Les rédactions de l'audiovisuel public sont diverses et spécifiques, elles doivent le rester !
J'ai porté la parole des socialistes en commission.
Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Madame, Monsieur les rapporteurs,
Chers collègues,
Le Président de la République qui parlait de l’audiovisuel public comme d’une « honte de la République » en 2017, invite aujourd’hui à en rassembler les forces. Il y a de quoi se méfier.
Faisons une « BBC à la française ». Cette phrase censée nous rassurer, mais elle ne peut que nous inquiéter. La situation actuelle de la BBC n’est pas celle que nous souhaitons pour l’audiovisuel public français car la situation de la BBC n'est pas celle que vous décrivez.
Alors que 70% des Britanniques la regardaient chaque semaine en 2017, ils n’étaient plus que 58% en 2022. Depuis 2010, de restructuration en restructuration, le groupe a perdu 30% de son budget, supprimé 1800 emplois et peine à amorcer une véritable transition numérique – érigée en objectif phare de votre proposition de réforme. La fusion de ses chaînes d’informations nationale et internationale dont certains ici appellent de leurs vœux en France est un désastre si bien que la BBC travaille aujourd’hui au retour de deux chaînes distinctes.
C’est n’est pas l’avenir que nous souhaitons réserver à notre service public.
La fusion, amenée en catimini par amendement mais surtout sans étude d’impact préalable, comme l'ensemble de ce texte, risque d’affaiblir la radio. Préserver ses missions, son identité et son public est pourtant essentiel.
L’audiovisuel public marche sur deux jambes : la TV et la radio. Les rédactions de l’audiovisuel public sont diverses et elles doivent le rester. La fusion renvoie à un journalisme multi-tâches et réintroduira des rigidités incompatibles avec une adaptation souple selon la diversité des tâches et des métiers mais aussi des territoires.
Une addition des forces en faisant fi des spécificités de l’une ou de l’autre sera contre-productive. Additionner des forces diminuées, notamment du côté de la radio, ne rendra pas l’audiovisuel plus fort.
D’autant plus que, fort, l’audiovisuel l’est déjà : il va bien, innove, trouve son public. Si l’on veut qu’il le reste et qu’il le soit même davantage, écoutons les salariés, celles et ceux qui le font vivre au quotidien. Ils ne veulent pas de ce projet technocratique et bureaucratique. Ils nous l’ont exposé très clairement au cours de leur audition.
Le pluralisme et la diversité actuels de l’audiovisuel public sont précieux, ils garantissent une information fiable, vérifiée et intègre. La multiplicité des structures et la pluralité des antennes protègent leur indépendance. Alors que la liberté est un acquis démocratique sans prix, la fusion sera une porte ouverte à une ingérence politique grandissante voire même à une privatisation.
Enfin, si les synergies aujourd’hui sont trop lentes c’est parce qu’elles se font sous contrainte budgétaire. Avant de chercher à rassembler les forces, rassemblons les fonds par un financement clair et pérenne sans être une budgétisation déguisée.
L’audiovisuel public français est deux fois moins financé que l’audiovisuel allemand, à 40% de moins que l’audiovisuel public belge qui, dans un cas comme dans l’autre, ne fonctionnement d’ailleurs pas autour d’une société unique.
Holding, fusion, synergies sont encore les prête-noms d'une volonté d'économie encore et toujours sur nos services publics.
Fusionner l’audiovisuel public c’est le condamner à des querelles d’autorité et à une immense perte de temps. Surtout, cela n'apportera aucune économie, bien au contraire.
Après une suppression précipitée de la contribution à l’audiovisuel public, nos alertes se confirment aujourd'hui, vous avancez à l’aveugle, par une politique au doigt mouillé, uniquement guidée par des motifs économiques, sans réelle concertation et dans un calendrier resserré . Sans objectif clairement défini, vous allez balayer d’un revers de la main l’avenir de l’audiovisuel public. Nous ne vous y aiderons pas, n’accepterons rien qui puisse l’affaiblir et ne voterons donc pas cette proposition de loi.
Je vous remercie.
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