J’étais ce dimanche au camp de Gurs pour la commémoration du 82ème anniversaire de l'arrivée à Gurs des juifs expulsés d'Allemagne en 1940.
J’ai eu l’honneur de prendre la parole pour cet essentiel devoir de mémoire.
« La naissance du camp de Gurs est un point noir de l’histoire de notre pays. Une épine qui nous rappelle avec vivacité les atrocités de la guerre au cœur de nos terres béarnaises.
Il y a 77 ans, se refermait le chapitre effroyable de l’histoire d’un des plus vastes camps d’internement français : 2 kilomètres de long, 13 ilots constitués de baraques de fortune. Un camp construit à la hâte, en 42 jours, destiné à ne servir qu’un seul été tant il était rudimentaire. Sa genèse, pour y parquer les réfugiés espagnols fuyant le franquisme, était une honte absolue ; son destin, une abomination.
Au total, plus de 62 000 déportés y ont foulé ses terres argileuses pour y rester prisonniers dans l’angoisse et l’incompréhension. Parmi eux, des juifs, des républicains espagnols, des volontaires des Brigades internationales, des basques, des « indésirables », des prisonniers politiques ou encore des tziganes.
Des femmes, des enfants, des hommes, des personnes, parfois très âgées, ont été contraints à l’enfermement dans la souffrance de la faim et du froid, de l’insalubrité et de l’isolement.
Alors que la honte a longtemps voulu cacher ce camp en y détruisant les infrastructures, en y plantant des chênes massifs et en l’abandonnant au temps, ce lieu est aujourd’hui plus vivant que jamais grâce au travail des associations, des collectivités et de toutes celles et ceux qui s’y intéressent et qui en prennent soin.
La restauration et l’entretien du cimetière, la reconstitution d’un baraquement, la construction d’un mémorial, mais aussi les nombreux travaux de recherche historique, les expositions itinérantes (comme le projet Franco-Allemand « Gurs 1940 ») ou la tenue d’évènements mémoriels sont autant d’initiatives essentielles au devoir de mémoire. Car, si il est vrai que l’homme apprend, il est aussi vrai que l’homme oublie.
« Aucune philosophie, aucune analyse, aucun aphorisme, aussi profonds qu’ils soient, ne peuvent se comparer en intensité, en plénitude de sens, avec une histoire bien racontée » disait Hannah Arendt, dont les mots raisonnent ici à Gurs, où elle fut aussi déportée.
Alors, soutenir et encourager ces projets est une nécessité absolue : pour se souvenir de ce qu’il s’est passé à Gurs ; pour enseigner aux nouvelles générations, sans détour, l’horreur de cette période ; pour ne jamais voir renaître, en Europe, pareil drame, à l’heure où la guerre et ses atrocités font de nouveau rage.
Nos pensées vont aujourd’hui aux 1073 victimes qui ont perdu la vie au Camp de Gurs, aux victimes qui y ont transité avant d’être assassinés dans les camps de la mort, mais aussi aux victimes qui ont survécu malgré le traumatisme et le deuil. Le courage des survivants, leur abnégation pour partager leur expérience et sensibiliser le grand public force le respect et l’admiration. Je pense aussi, à ces femmes et ces hommes qui, dans l’ombre, ont participé à aider les captifs à fuir ou à survivre.
En souvenir des destins brisés aux portes de ce camp, il nous faut nous dresser, chaque jour, partout, contre le totalitarisme et toutes formes de discriminations, pour la liberté et le respect des droits humains. Ce lieu est le témoin immuable d’une période qui nous oblige.
Face au camp, nous regardons toujours notre passé avec la même intensité et souvent la même question « Pourquoi ? ».
Il n’y a pas de sens à ce que l’homme a infligé à l’homme au camp de Gurs et dans toute l’Europe, mais aujourd’hui, cet ancien lieu de haine et de souffrance nous rassemble et nous lie pour toujours. Il est devenu un symbole de la paix.
Je vous remercie »
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