15 février 2023 · Commission des affaires culturelles et de l'éducation
Discussion générale Proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne
Madame la Présidente,
Monsieur le Rapporteur,
Alors que :
> 63 % des moins de 13 ans ont au moins un compte sur un réseau social
> qu’en moyenne, 70 % des enfants de tout âge indiquent regarder seuls des vidéos sur Internet
> que la première inscription à un réseau social semble intervenir actuellement en moyenne à l’âge de 8 ans et demi.
> et que tout cela a un impact fort sur la vie de nos jeunes et notamment, leur santé mentale,
débattre de ce sujet est bienvenue au sein de notre commission.
Cette proposition de loi porte donc deux objectifs : d’une part fixer une majorité numérique et de l’autre, contraindre les plateformes à coopérer en cas de cyber délits.
Pour ce faire, elle veut d’abord fixer à 15 ans l’âge à partir duquel un mineur est apte à pouvoir s’inscrire seul sur une plateforme sociale.
En effet, aujourd’hui, un mineur est à la fois considéré comme incapable de s’inscrire sur un réseau social, mais capable de consentir ou non à certaines fonctionnalités annexes plus sensibles comme la géolocalisation ou l’enregistrement de cookies. Il est important de mettre fin au décalage entre législation et réalité en ce domaine.
La fixation d’une « majorité numérique » dans votre article 2 est donc intéressant, mais reste relativement flou et n’est assortie d’aucune garantie, alors même que la CNIL a émis plusieurs recommandations sur le sujet, comme l’encadrement de la capacité d’agir des mineurs en ligne ou l’encouragement des mineurs à exercer leurs droits.
Nous estimons plus prioritaire d’accompagner et d’encadrer la pratique des plus jeunes dans leurs usages des réseaux sociaux que de fixer un âge de majorité.
Il nous semble même dangereux de généraliser une majorité numérique sans prévoir les garanties nécessaires.
Cette proposition de loi ne donne pas non plus de précision sur les modalités de contrôle de cette majorité numérique : est-ce que cela sera une simple déclaration ? une vérification de l’identité ?
Comment, dans ces conditions, comptez-vous rendre efficiente, cette disposition ?
Parallèlement, l’article 3 de cette proposition de loi, vise à renforcer l’arsenal juridique pour contraindre les plateformes à répondre aux réquisitions judiciaires dans le cadre des plaintes déposées pour les cyber délits.
Contraindre les plateformes notamment via des amendes, c’est bien, mais y ajouter une « astreinte », indispensable à l’efficacité de cette contrainte, c’est mieux. D’autant qu’une astreinte est prévue par le règlement européen sur les services numériques, dans son article 76.
Pour rappel, le champ des amendes est également plus large dans le règlement européen puisqu’il englobe également les fausses informations fournies.
Ainsi, pourquoi ne pas suivre les règles européennes qui semblent plus structurées ?
Monsieur le Rapporteur, l’objet de votre texte est ambitieux, mais les moyens pour répondre à ces enjeux énormes sont largement insuffisants, s'ils ne font l’objet ni de contrôle, ni de contraintes suffisantes. Le groupe socialiste s’abstiendra donc sur ce texte.