28 juin 2023 · Séance publique
Seconde lecture · Proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et lutter contre la haine en ligne
Madame la Présidente, Monsieur le ministre, (Madame la secrétaire d’État), monsieur le Rapporteur, chers collègues,
Le groupe socialiste au nom duquel je m’exprime aujourd’hui a toujours eu à cœur de mener tout combat contre la haine et les dangers en ligne, en particulier lorsqu’ils frappent notre jeunesse.
Chacun le sait, les enfants sont massivement connectés aux réseaux sociaux, et ce de plus en plus tôt. Selon la CNIL, la première inscription à un réseau social surviendrait à 8 ans et demi, et 63% des moins de 13 ans ont, a minima, un compte sur un réseau social. Si les conditions générales d’utilisation étaient respectées, ils ne pourraient en réalité pas y accéder. Aussi, il est important de noter que l’activité en ligne des enfants est assez peu contrôlée par leurs parents : 80% déclarent ne pas savoir exactement ce que leurs enfants font sur les réseaux sociaux.
Ces chiffres sont d’autant plus inquiétants, quand on mesure les conséquences de la présence excessive d’un enfant devant un écran et sur les réseaux sociaux :fatigue excessive, rythmes désajustés, stresse, addiction, troubles et retraits relationnels. Ces activités accroissent les risques de harcèlement, de dépression ou d’exposition à des contenus pornographiques.
Cette situation nous imposait de renforcer notre vigilance sur la consommation des réseaux sociaux et de mettre un terme à la trop faible régulation des plateformes en les responsabilisant davantage.
Ce texte va dans le bon sens et présente des avancées qui suivent la logique d’un plus grand encadrement concernant la haine en ligne et d’une actualisation de la réglementation, notamment après la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique qui prévoit d’imposer aux acteurs du secteur de lutter contre la diffusion d’apologie des crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale ainsi que la pornographie enfantine.
Je tiens ici à souligner les améliorations apportées sur ce texte grâce au travail de notre Assemblée et de nos collègues sénateurs.
Lors du précédent passage de cette proposition de loi, nous avions déjà permis d’identifier l’absence de dispositifs de vérification, que ce soit de l’âge de l’enfant, ou du consentement du parent, et d’y remédier avec l’obligation, pour les fournisseurs de services de réseaux sociaux, de mettre en place une solution technique.
Elle vise à contrôler l’âge des personnes présentes, nouveaux utilisateurs ou déjà inscrits, de recueillir l’éventuelle autorisation des titulaires de l’autorité parentale pour les mineurs âgés de 13 à 15 ans, et de respecter le cadre national et européen sur la protection des données personnelles, plus contraignant pour les mineurs. La mise en place de cette solution suppose donc la création d’un dispositif conçu en fonction des critères de l’Arcom et de la Cnil.
En cas de non-respect de cette obligation, le réseau social pourra se voir infliger une amende jusqu’à 1 % de son chiffre d’affaires mondial, ce qui permet de rendre cette loi contraignante pour les plateformes.
Nous vous alertions également sur le fait que l’instauration de cette majorité numérique ne peut s’appliquer sans informer les mineurs de leurs droits, tel que le recommandait la CNIL. C’est désormais chose faite : l’article 2 prévoit d’améliorer l'information des mineurs inscrits sur l’utilisation de leurs données personnelles et des risques liés aux usages numériques. Je salue également l’alinéa prévoyant l’obligation d’information des utilisateurs et des parents, lors de l’inscription, sur les risques liés aux usages numériques et les moyens de prévention.
La mise en place d’un dispositif optionnel de contrôle du temps passé sur les plateformes est également bienvenue. On sait comme elles peuvent être particulièrement addictives.
Enfin, les articles faisant contribuer les plateformes à la lutte contre les cyber-délits représentent une avancée : puisqu’ils les contraignent efficacement à répondre aux réquisitions judiciaires dans le cadre de plaintes et prévoient de bloquer de nouveaux contenus illicites qui pourront faire l’objet de signalement.
Si nous pouvons nous satisfaire des progrès réalisés en matière d’encadrement des plateformes numériques, cela ne doit pas pour autant mettre fin à toute réflexion future. Ce travail constitue une première pierre. Il ne faut pas penser que la haine et la violence auxquelles sont exposés les jeunes sur les réseaux sociaux ne soient liées qu'à une mauvaise régulation et à l'âge de l'accès à ces réseaux. Il y a un enjeu global d'éducation.
Cette loi est cependant nécessaire et va dans le bon sens, le groupe socialiste votera en sa faveur, et continuera à légiférer dans tous les champs pour combattre la haine en ligne et protéger nos enfants. Le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, nous offrira à ce titre l’occasion de parler de ce sujet, de manière plus générale, pour protéger les enfants.